"Toute ma vie a été une alternance chaotique de hauts et de bas. Déjà, adolescent, je me sentais en décalage total avec la réalité. J'étais indiscipliné, fugueur, mythomane, accro aux drogues, à l'alcool, au sexe. Je me suis très souvent mis en danger. Plus tard, il m'est arrivé de débarquer au boulot complètement "perché", après des nuits blanches, des la cocaines plein les poches, des bouteilles d'alcool... et je ne voyais absolument pas le problème!
A l'inverse dans mes phases dépressives, il m'arrivait de rester enfermé chez moi pendant 3 ou 4 jours et nuits sans décrocher un mot, ou répondre au téléphone, sans mangés, rien. Et dans des états limites suicidaires. Les gens autourd de moi ne savaient plus comment m'aider. Ils ne voyaient que l'alcoolisme, la toxicomanie, les dépenses inconsidérées. Ils se disaient "il est alcoolo, toxico,il est mégalo..." J'ai causé du tort à pas mal de personne. Mais je ne me souvenait même pas des conneries que je faisait. On me racontait.
J'ai vécu dans cet état jusqu'à ce que je découvre un livre, "le miroir de Janus" du psychiatre sami-Paul Tawil, qui traite de la maniac-dépression,l'ancien nom qui fait peur du trouble bipolaire. J'ai pris rendez-vous avec lui. Le diagnostique est tombé en 2 minutes 30. Le médecin a tracé une courbe sinusoidale avec les "grands" épisodes de ma de ma vie et là, d'un coup,je suis resté scotché, sans voix. Je suis reparti avec une ordonnance de lithium et l'adresse d'une consoeur pour une psychothérapie, un genre de vieille instit à lunettes qui me faisait peur. J'ai fait trois-quatrre séances et puis j'ai lâché.
J'ai alors recommencé à picoler, et avec le cocktail lithium-alcool, je suis allé de plus en plus loin dans mes délires. Il m'a fallu passer par l'hospitalisation. Là, je suis tombé sur un psy extra qui m'a prescrit un stabilisateur d'humeur, un "thymorégulateur". J'ai ensuite commencé une thérapie corportementale et cognitive, TCC, travaillé sur l'affirmation de soi. J'ai appris à mieux comprendre la maladie, à en reconnaître les signes précurseurs. Chaque jour, je mesure mon humeur comme si je prennais ma température, sur une échelle de de -5 à +5.
C'est une bonne façon d'apprivoiser la pathologie. Je participe à une groupe de parole à l'hôpital Sainte Anne, à Paris, toutes les six semaine, et je vois là des gens qui ne peuvent plus travailler, qui n'ont plus personne, qui ont coupé tous les ponts. J'ai envie de leur donner de l'espoir, car moi je continue à bosser, j'ai une amie, ma famille.